
21/01/2021
Publié le 30/09/2020
Seul le prononcé fait foi
Madame la Présidente de la Commission des lois,
Mesdames, Messieurs les commissaires aux lois,
Je tiens d’abord à vous remercier pour votre invitation à m’exprimer devant les membres de votre commission, afin de vous présenter la feuille de route de mon ministère pour l’année législative qui s’ouvre.
Vous le savez, je travaille depuis plusieurs mois maintenant à concrétiser la « nouvelle donne territoriale » que le Président de la République a appelée de ses vœux.
De manière très concrète, cette vision trouvera à s’exprimer dans deux textes :
J’ai conscience, croyez-le bien, que la décentralisation est de ces sujets auxquels, comme l’écrivait Montesquieu, on ne touche que « la main tremblante ». Mais, je vous le dis : ma main, aujourd’hui, n’a aucune raison de trembler.
D’abord, parce que le gouvernement a entendu le besoin de stabilité et de pérennité des élus locaux et des citoyens. Et, par conséquent, exclu tout nouveau « big bang territorial », source de plus de maux que de solutions.
Ensuite, parce que ces textes répondent concrètement aux deux principaux besoins exprimés par les élus et les citoyens ces dernières années quant à l’action publique :
Le vieux rêve du « jardin à la Française » - une place pour chaque chose et chaque chose à sa place – s’est en effet heurté aux multiples dynamiques et échanges qui dépassent toujours les cadres institutionnels. Dans un monde où les enjeux globaux et locaux s’articulent et s’entrechoquent chaque jour – la crise sanitaire en est, depuis plusieurs mois, une tragique illustration – les territoires doivent avoir les moyens d’être plus dynamiques, plus « élastiques », face à ces défis. Oui, cette formidable inventivité des territoires, qui est souvent une forme de « bon sens » quand, en tant qu’élu local, vous êtes en prise avec le quotidien - bouscule nos réflexes classiques de prescripteurs ; moi en tant qu’exécutif, vous en tant que législatif.
C’est d’ailleurs l’une de mes convictions, qui prend sa source dans une longue expérience d’élue locale : les solutions doivent venir – et viennent déjà largement – des territoires. A nous désormais, à travers nos politiques publiques, de mieux prendre en compte leur diversité et leurs singularités, pour leur permettre d’apporter les réponses les mieux adaptées à leurs besoins, et à ceux de leurs habitants. C’est ce que j’appelle – et c’est, vous le savez, l’une de mes antiennes – le « sur-mesure », ou le « cousu-main ».
Oui, Mesdames et Messieurs les commissaires aux lois, cette nouvelle étape que nous vous proposons aujourd’hui, c’est bien celle d’une décentralisation de liberté et, peut-être plus encore, une décentralisation de confiance : confiance dans les territoires, confiance dans les élus locaux et confiance dans les citoyens. Et ce dans des circonstances tout à fait exceptionnelles : puisque, comme l’a exprimé le Premier ministre le 3 septembre, les territoires vont être la figure de proue du Plan de relance.
Pour entrer plus dans le détail des textes de lois que nous allons aborder aujourd’hui :
Au fond, depuis les premières réflexions qui l’ont faite germer, et a fortiori depuis ses origines institutionnelles, la décentralisation a toujours été un outil pour adapter la France à un monde qui change, et nous permettre collectivement de répondre aux défis d’aujourd’hui en préparant ceux de demain.
Elle a, d’ailleurs, si bien réussi, qu’elle est devenue la forme « naturelle » de notre organisation républicaine. Cela est même, depuis près de vingt ans, gravé dans le marbre de notre Constitution. Pourtant, après bientôt quarante ans d’existence, certaines tensions originelles demeurent :
Ces interrogations ont été, vous vous en doutez, au cœur de nos réflexions et échanges. Dès la première Conférence des territoires, en juillet 2017, le Président de la République avait souligné que « l’égalité, qui créé de l’uniformité, n’assure plus l’égalité des chances sur la totalité de notre territoire aujourd’hui ».
Disant cela, il rappelait le vieux principe d’Aristote, exposé dans l’Ethique à Nicomaque, selon lequel l’égalité devant la loi – qui est, par définition, générale et abstraite – doit parfois être contrebalancée par un principe d’équité, qui vient corriger ses aspects trop excessifs et prendre en compte certaines circonstances particulières. Et ce, sans jamais perdre de vue le but final, qui est celui de l’harmonie de la cité.
Et c’est bien pour cela, qu’aujourd’hui, nous consacrons le droit à la différenciation au sein d’une loi organique.
Concrètement, nous allons faciliter les expérimentations pour les collectivités locales, afin qu’elles ouvrent la voie à une différenciation durable. Non pour rompre l’égalité des territoires devant la loi – les garde-fous sont nombreux et puissants – mais pour adoucir certaines rigidités, parfois stérilisantes.
Depuis le début du quinquennat, nous avons d’ailleurs mené plusieurs chantiers en ce sens, qui ont déjà permis de confirmer la pertinence de ce vecteur de « différenciation ». Je pense tout particulièrement à la mise en place de la Collectivité Européenne d’Alsace.
La différenciation est bien ce qui doit permettre à l’Etat de :
Aujourd’hui, à travers ce PJLO, nous allons permettre, concrètement, « d’expérimenter l’expérimentation », à travers :
Pour cela, le PJLO ouvre deux nouvelles options :
2. Second temps de cette nouvelle étape de la décentralisation : le projet de loi « 3D »
Dans la continuité de cette adaptation de nos politiques publiques aux défis du temps, nous allons consacrer, au sein de ce projet de loi ordinaire, ces trois principes : différenciation, décentralisation, déconcentration.
Au-delà du sigle, efficace, nous avons, tout au long de ces derniers mois, construit ce projet de loi autour de quatre piliers majeurs qui ont guidé l’ensemble de nos concertations et sont désormais au cœur de la relance :
Désormais, avec ce nouveau texte, nous allons faire en sorte de donner aux collectivités l’ensemble des bons outils pour accélérer les transitions sur ces quatre piliers, notamment en :
La philosophie de ce projet de loi est bien, à l’instar du projet de loi organique présenté aujourd’hui, de favoriser la différenciation, à travers un certain nombre d’expérimentations relatives aux politiques environnementales, au grand âge ou au Revenu de solidarité active, en donnant aux collectivités les outils et moyens afférents.
Pour rendre concrètes et accélérer ces transitions, nous allons également accélérer la réforme de l’organisation territoriale de l’Etat. Ce troisième « D », c’est bien sûr la déconcentration, destinée à rapprocher les moyens de l’Etat des territoires en lien avec le ministre de l’Intérieur, Gérald Darmanin et la ministre de la Transformation et de la Fonction publiques, Amélie de Montchalin.
Enfin, il y a le « 4e D », que le Premier ministre a récemment souhaité ajouter. Je pense, Mesdames et Messieurs les députés, que vous adhérerez tous à l’objectif. Il ne s’agit pas en effet d’ajouter une nouvelle strate au projet de loi, mais au contraire, que ce nouveau « D » - pour décomplexifier - imprègne l’ensemble des trois autres et commande l’ensemble des mesures qui seront prises dans ce texte. Chaque fois, nous devons collectivement nous demander : est-ce que cette mesure simplifie ou non notre action et celle des élus locaux ?
Désormais, en termes de calendrier, il est prévu que le PJL soit examiné au premier semestre 2021.
Il devra donc être présenté en Conseil des ministres avant la fin de l’année. Pour ce faire :
Mesdames et Messieurs les commissaires aux lois,
Vous le voyez, depuis 2017, nous agissons pour, partout, débrider les initiatives et les projets des collectivités territoriales qui inventent, au quotidien, l’avenir de notre pays :
Désormais, je crois que les deux textes que je viens d’évoquer devant vous constituent véritablement le point d’orgue de notre action pour les territoires. Parce qu’ils reposent sur les principes clés qui guident notre action depuis plus de trois ans : liberté et confiance. Parce qu’ils donnent surtout de nouveaux moyens, concrets, pour imaginer et mettre en œuvre les milliers de projets et d’initiatives qui, sans cela, n’auraient peut-être pas vu le jour.
Je suis désormais, Mesdames et Messieurs les commissaires aux lois, à votre entière disposition pour répondre à vos questions.
Je vous remercie.
Cohésion territoires
& Relations collectivités
@Territoire_Gouv